Orlando Paladino de Haydn au Festival de Munich : un opéra du coming out

- Publié le 31 juillet 2018 à 18:23
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Dans l'imaginaire du metteur en scène Axel Ranisch, les ennemis Roland et Rodomonte sont en fait attirés l'un par l'autre... Une vision relevant du pur Regietheater, sauvée par la direction musicale experte d'Ivor Bolton.

C’est une histoire de fou, l’Orlando paladino de Hadyn, comme souvent ce qui touche au héros furieux de l’Arioste. Axel Ranisch, un des enfants terribles du cinéma allemand, l’entend ainsi et autrement. Les aventures du chevalier dément, jaloux de l’amour d’Angelica et de Medoro à l’instar de son ennemi Rodomonte, deviennent le sujet d’un film muet projeté dans un cinéma tenu par un couple bancal : elle couche avec le gardien, lui se masturbe devant des photos de l’acteur qui joue Rodomonte, leur fille Alcina regardant par le trou des serrures… Alcina la magicienne protectrice des amants, la bergère cafteuse Eurilla se muant en femme de ménage du cinoche.

Les personnages de l’opéra investissent la salle de cinéma, dont le propriétaire se rêve ensuite acteur du film, qu’il revisite en tentant de réunir Roland et Rodomonte attirés l’un par l’autre… Du pur Regietheater, avec ses détournements obligés, qui tire finalement des ficelles assez usées de la mise en abyme. La superposition de la réalité et de la fiction, visant à débusquer ce que les uns et les autres ne s’avouent pas à eux-mêmes grâce au film truchement du coming out, fonctionne parfaitement, non sans virtuosité, mais reste artificielle et surchargée. Cette mixture de parodie du roman de chevalerie et de trivialité miteuse, dont la vis comica reste à démontrer, alourdit le drama eroicomico de Haydn, où seria et buffa se mêlaient beaucoup plus subtilement.

Heureusement, Ivor Bolton, aussi alerte que musicalement informé, donne vie à une partition à la théâtralité un peu problématique – ne ressortons pas la comparaison avec Mozart… Mais c’est inégalement chanté. Orlando met parfois Mathias Vidal à la peine, notamment du côté de l’aigu, l’expression de la folie nuisant à la ligne de chant. L’écuyer éclipse le chevalier : David Portillo est insolent d’aisance, impayable dans l’air redoutable où il parodie la virtuosité musicale. Edwin Crossley-Mercer, au grave trop court, engorge dangereusement son Rodomonte. Le couple d’amants, lui, chante à ravir : Medoro au timbre rond et délicatement stylé de Dovlet Nurgeldiyev, Angelica superbe d’Adela Zaharia, surtout, voix charnue, phrasé classieux et agilité sans faille. Et si l’Alcina de Tara Erraught, vocalement bien dotée, manque de relief, on tombe sous le charme de l’Eurilla à la fraîcheur fruitée d’Elena Sancho Pereg. Reconnaissons enfin que le cinéma est tenu par un couple de comédiens formidables, Gabi Herz et Heiko Pinkowski, acteur fétiche de Ranisch.

Orlando Paladino de Haydn. Munich, Prinzregententheater, le 23 juillet.

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