Journal

Le Barbier de Séville aux Chorégies d’Orange – Rossini à Cinecittà – compte-rendu

Cette reprise de la production du Barbier de Séville créée à l’Opéra de Lausanne en 2009 n’a pas pris une ride, mais il aura fallu adapter aux dimensions du plateau des Chorégies la mise en scène d’Adriano Sinivia, haute en couleur et d’un désordre savamment organisé autour d'un tournage dans les studios de Cinecittà dans les années 1950. Des éléments de décors occupent tout l’espace et servent de faire valoir au déroulement de l’action sans craindre les clins d’œil, les gags les plus cocasses, les références à l’actualité dans un délire quasi fellinien qui, finalement, rend bien compte du caractère bouffe du Barbier.

© Abadie-Reveret
 
Florian Sempey crève l’écran ; son Figaro plein de malice déborde de jovialité et de tonicité. Le jeu théâtral ne craint pas de forcer le trait burlesque, de surligner les gags dès l’arrivée sur scène en Vespa, et son chant virtuose avec un grain de folie se montre à la hauteur des enjeux (la célèbre cavatine d’entrée est négociée avec une stupéfiante autorité). Dommage que la chaleur et la permanence d’un léger vent empêchent parfois sa voix dorée et généreuse de s’épanouir complètement le soir de la seconde représentation.
Moins assuré en Comte Almaviva mais prenant progressivement ses marques, le Roumain Ioan Hotea (Premier Prix d’Operalia en 2015) possède un timbre clair et une sensibilité qui ne demande qu’à s’épanouir ; il a dû remplacer au pied levé Michael Spyres, souffrant, et sa prestation s’avère tout à fait honorable.
La Rosine d'Olga Peretyatko, fine et espiègle, éprouve parfois quelque difficulté à projeter sa voix dans les duos, mais les vocalises pyrotechniques atteignent une forme de perfection. En Bartlolo, Bruno De Simone joue le jeu de la dérision canaille et remporte un véritable triomphe, ce qui n’est pas le cas de Don Basilio d’Alexeï Tikhomirov dans le fameux air de la Calomnie, un peu charbonneux, qui laisse perplexe, bien que sa prestation s’améliore au fur et à mesure. Une mention pour la Berta de la mezzo Annunziata Vestri qui sait transmettre avec bonheur ses sentiments.

Giampaolo Bisanti © giampaolobisanti.com
 

Côté baguette, Giampaolo Bisanti (qui fut lauréat du Concours Dimitri Mitropoulos d’Athènes) mène l’excellent Orchestre National de Lyon et exploite les subtilités instrumentales de la partition au détriment parfois de la verve et de la pulsation, voire de la précision. En revanche, belle coordination des chœurs conjoints du Grand Avignon et de Monte-Carlo préparés par Stefano Visconti. Une gageure plutôt réussie pour ce Barbier apprécié d’un public venu nombreux, et une manière pour Jean-Louis Grinda, le nouveau directeur di festival, d’innover en la matière.
Rendez-vous en 2019 pour le 150e anniversaire des Chorégies !

Michel Le Naour

logo signature article
Rossini : Le Barbier de Séville - Orange, Théâtre antique, 4 août 2018
 
Photo © Philippe Gromelle
Partager par emailImprimer

Derniers articles