En croisade pour le belcanto: "Ricciardo e Zoraide", un Rossini napolitain oublié
Superbe réalisation musicale.
- Publié le 12-08-2018 à 13h53
- Mis à jour le 12-08-2018 à 13h59
Superbe réalisation musicale.
C’est déjà le Festival Rossini de Pesaro qui, en 1990, avait tiré de l’oubli « Ricciardo e Zoraide », opéra de Rossini créé à Naples en 1818. Et c’est à nouveau dans cette mecque du chant rossinien que ressurgit, pour son bicentenaire, un ouvrage injustement oublié.
Injustement ? Tiré d’un poème Renaissance similaire à ceux de l’Arioste, le livret est certes sans grand intérêt, mais il n’est pas le seul dans les opéras de l’époque… Le Paladin Ricciardo, amoureux de la belle princesse asiatique Zoraide, essaye de délivrer sa belle des griffes d’Agorante, Roi de Nubie qui tente en vain d’être aimé d’elle. Mais la partition de Rossini, composée pour les plus grands chanteurs de l’époque (David, Colbran, Nozzari...) et essentiellement constituée d’ensembles (seuls deux personnages ont une cavatine en solo) est du meilleur tonneau, et on ne s’y ennuie pas un instant. Et le festival de Pesaro a mis le paquet en sélectionnant, pour cette résurrection, une distribution de rêve dont on rêve qu’elle soit immortalisée en CD ou en DVD.
Dans les deux rôles titres, Juan Diego Florez et Pretty Yende sont superbes de virtuosité et d’éclat, et on se réjouit qu’il reste un lieu comme Pesaro pour convaincre des chanteurs d’une telle pointure de prêter leur concours à une œuvre qu’ils ne chanteront sans doute qu’une fois dans leur carrière. Dignes d’éloges aussi, les deux autres ténors (Sergei Romanovsky en Agorante et Xabier Anduaga en Ernesto, ami de Ricciardo) ainsi que le chef Giacomo Sagripanti, à la fois raffiné et énergique à la tête de l’Orchestre de la RAI.
Certes, la mise en scène de Marshall Pynkoski est des plus basiques, avec des décors façon toiles peintes, une gestion naïve des mouvements de chœurs et une direction d’acteurs qui se limite à de la mise en place. Et ce Canadien venu du monde de la danse, longtemps associé au Centre de musique baroque de Versailles et qui a fait appel ici à son épouse pour les chorégraphies, frise plus d’une fois le kitsch en faisant intervenir à tout bout de champ des danseurs classiques parfaitement inutiles (il n’y a pas de pages de ballet à proprement parler) qui soulignent inutilement par leurs gestes ce que dit déjà très bien la musique. Mais cette lecture basique a au moins le mérite de laisser s’épanouir les voix : on chante aligné à la rampe ou même sur le praticable qui contourne la fosse d’orchestre. Une véritable croisade pour le bel canto !
Pesaro, jusqu’au 20 août ; www.rossinioperafestival.it