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Le «Beggar’s Opera» dynamite l’Opéra des Nations

L’ouvrage de Johann Christoph Pepusch et John Gay se fraye un chemin chaotique entre la musique baroque portée par les Arts Florissants de William Christie et la réalisation scénique menée par Robert Carsen et Ian Burton

La troupe de vauriens du «Beggar’s Opera» répond brillamment aux acrobaties chorégraphiques de Rebecca Howell. — © Patrick Berger
La troupe de vauriens du «Beggar’s Opera» répond brillamment aux acrobaties chorégraphiques de Rebecca Howell. — © Patrick Berger

D’opéra, l’œuvre de Johann Pepusch et John Gay ne porte que le nom. Entre théâtre, satire, comédie, pamphlet et truculence scénique, la pièce entrelardée d’airs populaires sous le nom de «Ballad opera» a traversé trois siècles dans les versions les plus diverses.

Le moderne Benjamin Britten comme l’ancien John Eliot Gardiner s’en sont notamment emparés pour en réviser l’aspect musical. Kurt Weill et Bertolt Brecht l’ont utilisée pour composer leur «comédie en musique», L’Opéra de quat’sous. Peter Brook en a tiré un film… Nombre de compositeurs, réalisateurs ou metteurs en scène se sont attaqués à ce puzzle qui brosse un portrait féroce de la société par le biais de son monde le plus vil: ses voleurs, receleurs et autres bandits de bas-fonds.

La nouvelle lecture de Robert Carsen s’appuie sur le livret recomposé de Ian Burton. Ensemble, les complices rebondissent sur notre actualité. Rails de coke, poppers, selfies, Brexit et allusions aux politiciens d’aujourd’hui rénovent la pièce dans une étourdissante électricité physique et sonore.

Chorégraphies acrobatiques

Tout commence et finit dans un assourdissement de sirènes, avant que déboule sur scène une troupe de petites frappes survoltées. Entre ces deux alarmes stridentes, près de deux heures de texte surchauffé, bavard et criard, entrecoupé de passages musicaux souvent étouffés par tant de décibels.

Lire aussi: William Christie: «The Beggar’s Opera»? Une œuvre de génie!»

A jardin sur la scène, William Christie, lunettes noires, queue de cheval blanche et tenue de rappeur à capuche, donne l’élan depuis son clavecin à une dizaine de musiciens des Arts Flo, tout aussi déguisés. Devant eux, la troupe de jeunes vauriens et prostituées dynamite le plateau. Les chorégraphies acrobatiques de Rebecca Howell relèguent celles West Side Story au rang d’antiquité. Car on est bien dans l’univers de la comédie musicale: les voix des seize chanteurs ne sont pas faites pour la pratique lyrique, mais leur abattage scénique en impose.

A partir de ce postulat, on se régale de la férocité et de l’énergie qui bousculent les cartons entassés du formidable décor de James Brandily. Mais on regrette d’entendre souvent difficilement l’autre truculence qui anime le plateau: celle de la partition conçue par William Christie. L’humour, l’expressivité et l’illustration sonore de l’accompagnement baroque figurent presque comme alibi musical et historique à la pièce parlée, parfois trop longue et bruyante pour les délicatesses baroques.

Opéra des Nations, les 4, 5, 6 et 7 octobre. Rens.: 022 322 50 50, www.geneveopera.ch