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Dans l’esprit de Flavio

Lille
Opéra
10/04/2018 -  et 6, 9, 11, 14* octobre 2018
Georg Friedrich Haendel: Rodelinda, HWV 19
Jeanine De Bique (Rodelinda), Tim Mead (Bertarido), Benjamin Hulett (Grimoaldo), Avery Amereau (Eduige), Jakub Józef Orlinski (Unolfo), Andrea Mastroni (Garibaldo)
Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction)
Jean Bellorini (mise en scène, décors, lumières), Véronique Chazal (décors), Macha Makeïeff (costumes), Luc Muscillo (lumières)


(© Simon Gosselin)


L’Opéra de Lille débute sa saison avec une nouvelle production de Rodelinda (1725) en collaboration avec le Théâtre de Caen. Jean Bellorini, qui signe ici sa deuxième mise en scène deux ans après La Cenerentola, imagine que cette histoire compliquée d’amour et de pouvoir sous fond de trahison et d’usurpation d’identité se passe dans l’imagination de Flavio, l’enfant de Rodelinda et de Bertarido. La scénographie le suggère assez bien, avec ce train électrique miniature et ces petites marionnettes, mais le metteur en scène aurait dû exploiter davantage ce rôle muet, tenu par un jeune garçon trop peu présent pour convaincre totalement de la pertinence de ce point de vue.


La mise en scène séduit surtout par sa scénographie, belle et simple, tantôt abstraite, tantôt concrète, avec des lumières et des costumes admirables. Le déplacement latéral du plateau comme un travelling produit d’intéressantes images, comme deux autres idées assez originales : l’intérieur bourgeois de plus petite taille que celle des personnages et le port par moments de cagoules pour que les chanteurs ressemblent à des pantins. Le concept du metteur en scène confère ainsi une dimension très, voire trop, intimiste à ce spectacle travaillé en profondeur, ce qui suscite à la longue une certaine monotonie, bien que la direction d’acteur témoigne d’une expérience probante de la scène théâtrale. Quoi qu’il en soit, Jean Bellorini a le sens de l’effet visuel, comme nous l’avions constaté dans La Cenerentola.


Cette production réunit une distribution cohérente et ajustée. Presque tous expriment avec juste mesure les sentiments de leur personnage et offrent des moments de beau chant et d’agilité, avec un art certain de l’ornement. La Rodelinda toute en retenue de Jeanine De Bique captive par la pureté du timbre et la sensibilité de l’incarnation. A l’orée d’une belle carrière, cette soprano originaire – ce n’est pas commun – de Trinité-et-Tobago affiche une virtuosité naturelle, jamais ostentatoire, avec une précision du phrasé qui laissent admiratif – une révélation.


Tim Mead témoigne de sa maturité vocale en Bertarido, le roi et l’époux de Rodelinda, tenu pour mort. Sa voix de contre-ténor reflète étroitement sa nature intérieure, alors que Jakub Józef Orlinski, qui partage la même tessiture, se situe à l’opposé du tempérament du chanteur britannique. La prestation savoureuse de ce jeune talent à suivre de près révèle un don considérable pour le théâtre et possède à un haut degré de solides capacités qui le rendent apte à affronter sans la moindre faiblesse le rôle d’Unolfo, le conseiller de Grimoaldo et ami caché de Bertarido.


Le Grimoaldo de Benjamin Hulett, justement, se situe, en comparaison, légèrement en retrait, malgré un chant de qualité, le ténor peinant à habiter totalement son personnage d’usurpateur. Dans le rôle de la sœur de Bertarido, Eduige, fiancée à Grimoaldo, Avery Amereau porte en étendard une voix corsée de contralto des plus plaisantes, tandis qu’Andrea Mastroni, par sa profonde voix de basse et sa nature intensément lyrique, marque les esprits en Garibaldo, désireux de s’unir à Eduige par pur intérêt.


Emmanuelle Haïm replonge dans l’opéra avec lequel elle a débuté en 2001 à Glyndebourne: direction, sans surprise, vigoureuse et attentive tant à la cohésion qu’à l’intégrité du plateau. Le Concert d’Astrée, quant à lui, affiche son niveau habituel, mais il sonne parfois sèchement et devrait davantage varier les accents pour éviter le sentiment de lassitude que nous éprouvons parfois; les bois, en tout cas, dialoguent finement avec les chanteurs. Cette production atteste une fois de plus de la somme considérable de travail et de talent à l’Opéra de Lille.


Le site de l’Opéra de Lille



Sébastien Foucart

 

 

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